mardi 4 novembre 2008

Un week-end chez Adama à N'Dangan... puis un lundi soir avec lui à M'bour...

Ecrit dimanche soir
Un très bon reportage que je n'ai pas encore fini de lire, mais vraiment très intéressant. Tout a commencé par une discusision avec Pape le boutiquier de la rue de chez Poullo. Je lui demande qui c'est sur le calendrier, il me dit que c'est le Khalife général. Je lui en demande plus jusqu'à ce qu'on en vienne à Cheikh Ahmadou Bemba, "fondateur" du mouridisme, le "courant" (soufi) de l'Islam qui est le plus influent et puissant ici au Sénégal. De là Pape me donne toute la généalogie de Cheikh Ahmadou Bemba et je tape "mouridisme" sur Google, et de là Wikipédia, d'autres trucs et en ce moment je lis ce reportage : http://www.grand-reportage.com/pelerinage-en-mecque-afrique de Emmanuel Brisson. Très intéressant. Je vous livrerai prochainement le détail de mes (profondes) analyses...

Piste entre Joal et N'Dangan

A un moment (au début), la piste c'est aussi ça (mais pas longtemps)


Sur ce, bonne nuit, nous sommes rentrés tout à l'heure de N'Dangan où nous avons passé un merveilleux week-end en compagnie d'Adama. Un week-end extraordinaire ! Nous sommes partis en scooter samedi matin : chaussures fermées, bouteilles d'eau, route de Joal bordée de gigantesques toiles de néphiles; piste à partir de Joal, bordée de bras de mer, baobab sâcré sans intérêt puis Adama, Adama, Adama ! Il nous acueille avec deux bons kilos de crevettes cuisinées dans une sauce délicieuse. Il fait venir ensuite du poulet bien tendre cuit en marmitte accompagnées de pommes de terre. Avec ça, on a droit à de la bierre, du coca et de l'eau bien frâiche. Enfin, on se décortique une petite clémentine. On se repose un peu pour laisser la fraîcheur de 4 / 5 heures s'installer et Adama harnache M'Bathiou. On s'en va en charette rendre visite à ce monsieur de Lilles qui manage une fanfare, qu'on avait rencontré en mars et qui vient d'emménager dans une maison juste à côté de chez Tumani, il vient de se faire faire une grande maison qui servira pour son repos mais aussi de résidence pour sa fanfare. Plutôt gâtée la fanfare ! Pour le moment il lisait un livre sur la sagesse de Confusius tout en déplorant le travail de certains artisans qui ont un peu gâté sa terrasse durant son absence.

Avec Adama, on partage tout; mais surtout des bons moments...

On continue avec M'bathiou qui ne comprend qu'une seule chose: la chiquotte. Il trotte un peu. Adama m'assure qu'il peut galoper parfois, même harnaché (c'est vrai). Mais là il se remet d'une maladie qu'il a eue la semaine dernière, comme dit Adama il a eu la chiache la semaine passée et c'est pour ça qu'il a une jambe un peu sale et qu'il est maigre et tout. Mais il va bien maintenant. Tout comme le fils d'Adama d'ailleurs, qui est encore à la clinique de Kaolack mais qui devrait sortir mardi. Adama nous raconte que la semaine passée son cheval malade s'est couché contre son Hundaï comme pour lui signifier qu'il était mal en point et l'empêcher de s'en aller. Adama a compris, il est resté chez lui toute la journée et il nous dit qu'il a bien fait, parce que le cheval avait senti que c'était une mauvaise journée parce que voici ce qui est arrivé au groupe de français qu'il devait emmener Adama : en désespoir de cause ils ont pris un autre chauffeur et ils ont eu un accident. J'essaie de dire à Adama que si ça avait été lui ils n'auraient pas eu d'accident mais il n'en démord pas, pour lui ce sont les passagers qui étaient destinés à l'accident, et pas l'accident qui a été accidentel...

"C'est le cheval qui m'a sauvé. Le cheval ! Ah, M'Bathiou."

Adama aime rester quelques jours parfois avec son cheval, sur son terrain où commencent à pousser sa maison, et où il nous parle de la case et de la "véranda" qu'il projette, avec aussi tout ce qu'il a planté (un laurier rose, un plant de tomate, et bien sûr toutes sortes d'autres trucs dont j'ai oublié le nom). Il y aussi Maud, le petit chat blanc et noir, qu'on voit passer mais qu'on approche difficilement. Adama dit:
"Quand je reste ici, je ne sors pas. Non ! Je reste et je ne sors pas ! Je suis avec mon cheval et je suis bien. Je coupe mon portable même [mon oeil]. Il n'y a que Maud qui sort. Maud, elle, elle peut sortir, rerentrer, elle fait ce qu'elle veut. Mais moi je ne sors pas. Non! Je ne sors pas !"

[Malheureusement on n'a pas de photos de Maud, ni d'ailleurs beaucoup du week-end car notre appareil avait plus de batterie.]

Adama a perdu son répertoir il y a 3 jours. Il a perdu plein de numéros de téléphones. Dans ses poches, foisonnent des petits bouts de papiers sur lesquels sont notés des pagailles de numéros. Adama connaît une centaine de numéros par coeur. Nous avons passé une heure ce dimanche à rentrer des numéros sur son téléphone, des qu'il avait déjà, des qu'il avait sur ses papiers sans savoir à qui les attribuer, des qu'il avait sur un vieux répertoir. Adama et le téléphone c'est une histoire très drôle.

C'est Amandine qui conduit le mieux M'Bathiou. Moi je n'y arrive pas trop. Mais Amandine épate Adama. Il dit:
"Elle conduit mieux que toi. Oui. Mieux que toi ! Elle conduit mieux que toi ! Mais toi là !"
Comme je le lui explique, je ne peux pas être à la fois là et là, à deux endroits à la fois. C'est elle qui a l"habitude de conduire des M'Bathiou... (Pour la carte postale, le soir tombait sur N'Dangan et le cheval connaissait très bien le chemin du retour ; tout cela fait comme un remake.) On est allés dîner dans une dibiterie. Le cuiseur a coupé une partie de l'agneau qui pendait à l'entrée, puis il l'a martonnée, puis il a coupé un bout de graisse qu'il a mis sur la grille et enfin il a ajouté des oignons sur le grille. En attendant que ça cuise un homme m'offre de partager sa dibi. Je le remercie en lui disant que la nôtre va venir... (Avec de la moutarde)

En rentrant nous avons regardé un "théâtre sénégalais" comme l'appelle Adama ; en fait c'était une sorte de film tourné à Dakar à mi-chemin entre la telenovela et le gros navet. Adama avait ça sur un DVD. Mais avec Adama c'était très intéressant de regarder ça. Il nous traduit le wolof puis son téléphone sonne et resonne, il n'en peut plus, puis son téléphone n'a plus de batterie. Avec son fils à la clinique, la saison qui commence, les maisons qu'il gère à N'Dangan, les maisons qu'il construit, l'âne qu'il a prêté à un paysan, l'argent qu'on lui doit, la semaine d'intérim qu'il va faire à l'usine d'arachide de Kaoloack, sa femme qui n'a plus de crédit alors il lui en envoie depuis une boutique, avec tout ça et d'autres choses encore, Adama est très pris et sa tête va exploser comme il dit. Il n'en peut plus ! Il est content content qu'on soit là ce week-end, ça le pose un peu il nous dit.

Dimanche matin : Adama nous emmène à MaLoje, un village serrère dans la continuité de l'île où on s'était baignés avec les Petites Laines. La "promenade" dans ce village est une aventure dont Adama a le secret. Nous sommes à la recherche d'une dénommé Bernadette à qui il doit demander quelque chose. C'est l'occasion d'arpenter les coins et les recoins du village. Pas de voitures (on est sur une île). Ânes conduits par des enfants. Femme qui coupe une bûche de bois avec une hâche. Salutations. C'est très convivial.

Les serrères sont chrétiens. Le village, sur une île du Sin (à 15 minutes en pirogue de N'Dangan), est très animé en ce dimanche matin. La messe de la Toussaint se termine quand Adama nous emmène à l'église (il tenait absolument à ce qu'on assiste à la messe). Dans un dernier chant énergique, mélodieux, accompagné de quelques percussions, des femmes distribuent des petits biscuits aux enfants qui ont mis une belle petite chemisette voire un boubou pour l'occasion. Un homme continue de se recueillir à genoux en faisant tourner un de ces petits gris-gris en forme de colliers avec lesquels on voit souvent des hommes faire mumuse. Ce sont souvent des musulmans qui ont ces amulettes mais preuve en est que les chrétiens aussi (ici l'important est le fait religieux, pas la scolastique -quoique ça dépend). Puis plusieurs personnes se regroupent à l'ombre d'un grand arbre pour une palabre pieuse. C'est Adama qui nous explique cela quand son portable sonne parce qu'on le demande cet après-midi pour aller donner son avis sur un panneau solaire en panne à 10 km de N'Dangan. Adama est très énervé par cette histoire. Il n'ira pas. Dans le village on entend "Adama N'Dyaye!" et "Adama N'Dyaye!"

"Même les enfants me connaissent, même les petits de deux ans, Adama, Adama, si je me cache dans un trou même les lapins me saluent !"

Nous lui conseillons de prendre un portable pour ses affaires qu'il pourra couper de temps en temps (la nuit notamment parce que ça sonne la nuit aussi) et un portable pour lui qu'il laisserait tout le temps allumer, celui-là. Adama est très content de ce conseil.

On est retourné ensuite chez lui manger un bon tieboudien.

Bon, cette fois-ci, pour de vrai : bonne nuit !
Lundi (écrit ce soir mardi):
Adama m'appelle hier midi parce qu'il est en panne à l'entrée de M'Bour. "J'arrive !" Mais Amandine: "Mais toi là (parce qu'elle commence à parler sénégalaisement), tu vas faire quoi, tu sais même pas distinguer un clou d'un marteau?" J'essaie de lui rappeler que j'ai fait la vidange presque tout seul le mois dernier (d'ailleurs il faut que je pense à remettre ça), que j'ai cloué des trucs, que je lui ai installé un fil à linge, etc., puis je me range à ses raisons. Je passe l'après-midi à préparer la classe en ayant Adama toutes les 20 minutes au téléphone puis je le rejoinds à la gare routière. Son Hundaï est réparé, il vient dormir à la maison, on passe une soirée avec une quiche d'Amandine (Adama découvre le plat, il est fan), avec du chorizo même si c'est du porc Adama veut bien (l'important n'est pas la scolastique, mais des objets qu'il nous montre qui le protègent et c'est vrai vrai vrai). Puis il nous dit : "Vous êtes bien ici". Merci Adama et nous on est bien avec toi, c'est toi qui nous protège. C'est vrai !
[Ce matin, taf-taf, un café à six heures du mat puis Adama dans le petit matin il s'en va libre comme l'air, sans bagage, avec d'abord un rendez-vous pour acheter des briques pour une maison qu'il construit à M'Bour (encore une ? Et oui) avant de filer sur Dakar.
Sinon, on a repris le boulot sur les chapeaux de roue. Mes élèves sont trop bien, je les aime bien aussi. Au revoir ! ]

5 commentaires:

maud a dit…

Adama ne change pas... Adama qui promène son grand corps et ses toubabs sur toutes les routes du Sénégal... Adama qui rit de toutes ses dents, avec les yeux qui pétillent... Adama l'oreille vissée à son portable, qui souffle chaque fois qu'il sonne, et qui quand on lui dit "Ben, tu n'as qu'à l'éteindre" s'émerveille de cette solution toute simple... Adama qui aime son cheval, mais le chicote un peu quand même... Adama qui croit au destin (beaucoup) et à la foi(un peu, mais quand ça l'arrange, parce qu'Allah n'est pas toujours là pour te regarder, et puis d'ailleurs il vous emmène même à l'église)... Adama, ses "bedam, bedi, jupe, jupon" avec les yeux qui rigolent... Adama, qui à Matam a distribué du pain aux enfants, et dont le prénom crié par tous les gosses du quartier a remplacé le traditionnel "Toubab!Toubab!"... Adama qui sait ce que la teranga veut dire, et l'amitié aussi !
Dites-lui qu'on pense bien fort à lui...
Nourrissez vous bien de tous ces bons moments ! On vous embrasse.
Maud, qui sort, rentre, fait ce qu'elle veut, soit-disant. Mandine, je compte sur toi pour câliner mon homonyme.
PS : A demander à Adama : A quand le reste des P'tites Laines dans la ménagerie ?

Les P'tites Laines a dit…

Deux bonnes nouvelles en me levant ce matin : un noir à la maison blanche et un message de bonheur du Sénégal. Putain, ça fait du bien. Désolé d'être grossier, mais ça soulage.
Le reste des P'tites Laines en ménagerie serait pas mal, mais quel serait l'intérêt d'un canard chez Adama... Votre message me fait revenir quelques mois en arrière, mais j'aime à penser que c'est pluôt une vision de ce qui nous attend en février. D'ailleurs, Matéo tu as une mission pour nous concernant les maisons à N'Dangane ou Mar Lodj.
Portez vous bien et comme Mon p'tit bou d'choz ne fait pas son travail, je la remplace : Bant, lumu yàgg cig dex, du tax mu soppiku jasig
Un bout de bois, il peut rester longtemps longtemps dans un fleuve,ce n’est pas pour ça qu’il va se transformer en crocodile.

Père Thierry a dit…

Le gris-gris de prière en forme de collier chez les chrétiens s'appelle le chapelet. Oui m'sieur ! L'intérêt d'un canard, c'est qu'à la fin on le déplume lui fourre tout un tas de raisins secs et de pruneaux dans l'cul et que le déguste entre amis, pardi ! Sinon, j'ai un cafard d'enfer à lire ça... Tant de rencontres humaines, de splendides paysages, de vie "vraie" quoi ! Putain fait chier d'être bloqué ici. en plus à la radio, c'est une marde d'enfer, du vandalisme, une diffusion qui n'arrête pas de sauter, le temps gris-gris, mais bien pourri celui-là.
Alors oui à la ménagerie sénégalaise, bientôt et pour longtemps why not...
Je vais arrêter de lire le blog un petit moment, trop le spleen...
des bises à vous deux, la ménagerie à Adama et son petit garçon, j'espère qu'il va mieux...

felix a dit…

Dieuredief !

Ah ouais ca me plairait bien d'autres animaux portant nos prénoms ca c'est un bonne idée

Bisous à vous d'eux et à l'homme que l'on nomme Adama bien sûr

mateolondon a dit…

Mon pauvre Pierre-Yves, je sais ce que c'est et suis bien contente d'en être si loin ! Courage !
Et Maud, Maodou n'est pas si facile que toi à approcher !
Ce soir, c'est le film du mercredi !
Bisous à tous
Mandine